Fédération au GLEX 2021 : les premiers pas d'une mission vénusienne habitée

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Fédération était représentée au GLEX 2021 qui s'est déroulé de 14 au 18 juin dernier à Saint Petersbourg, en Russie. Thibaut Pouget y a présenté une étude de dimensionnement d'une mission habitée vers Vénus à court terme, il nous livre ses retours et impressions.

 

Le GLEX (GLobal space EXploration conference) est un congrès qui rassemble les acteur du spatial venus du monde entier pour évoquer les projets, les avancées et le développement de l’exploration de l’espace habité comme robotique. Il se tient tous les 4 à 5 ans, organisé par la Fédération Astronautique Internationale (IAF) en parallèle des IAC (International Astronautical Congress) annuels. Ces derniers sont des évènements bien plus importants (plus de 10 000 personnes) couvrant tous les domaines du spatial. Cette année, c’est l’agence spatial russe Roscosmos qui organise le Glex2021 à Saint-Petersbourg. Il avait la particularité d’être le premier évènement de l’IAF et un des premiers évènement de cette importance organisé en Russie depuis le début de la crise du Covid.

Pour moi le GLEX2021 a commencé en janvier lorsqu’un ami ma transfère l’appel à projet technique. Tout le monde peut poster le résumé du projet qu’il souhaite présenter dans une des 12 catégories allant d’exploration lunaire ou mars, technologie clef ou expérience de simulation sur Terre. Dans mon cas, il était évident que j’allais présenter un projet pour Vénus. Après avoir hésité entre habitat atmosphérique et ISRU vénusien, j’ai préféré faire une estimation global des besoins d’une mission habitée. La première étape consiste donc à envoyer un résumé d’une dizaine de lignes de l’étude et de ces résultats. Il convient donc de bien maîtriser le sujet et de faire un premier dimensionnement pour être sûr de ce qu’on pourra présenter. En mars la réponse est arrivée, accepté. C’est là que commencent plusieurs mois de travail, finalisation des calculs, synthèse des références, rédaction du papier (18page et il a fallu énormément réduire), relecture, préparation de la présentation, enregistrement en vidéo. En parallèle, il faut préparer le voyage, ce qui en période covid n’est pas simple. Heureusement, l’IAF envoie des messages réguliers pour rappeler les dates de livrables, donner des précisions et aider dans les démarches. Pour les démarches, le visa russe a été particulièrement complexe était donné que les frontières du pays était fermées pour cause covid. Il a fallu toute la pression de Roscosmos pour qu’on puisse avoir les visas, moins de 10jours avant le départ. Après un dernier test PCR qui aurait pu tout annuler, c’est le grand depart.

 

Sur place, la premier chose qui impressionne était le décor. Malgré le covid, Roscormos a pu organiser l’évènement à Saint Pétersbourg, capitale impériale et la vitrine de la Russie. La conférence se tenait au palais de Tauride à l’est du centre-ville. Ce fastueux bâtiment du XVIeme siècle faisait immédiatement sentir que ce n’est pas qu’un centre de conférence sans âme mais dans un lieu historique qui a vu le premier parlement de l’histoire russe en 1905 et où fut nommé le parti communiste. C’est d’ailleurs sur les banc en bois de la « duma » (amphitheatre du parlement) que se réunissait le congrès pour les grands discours et présentations de premier plan. Les présentations techniques se faisais dans des salles disséminées un peu partout dans le dédale de couloirs que forment les ailes du palais. La vie culturel du glex ne s’arrête pas à l’enceinte du palais : de nombreuses visites de quartier, forteresse et musée étaient proposées, avec notamment le dernier jour, la visite du palais Peterhof, le "Versailles russe". Avec la fermeture des frontières russes à cause de la crise sanitaire, nous étions les seuls étrangers avec les quelques supporters de football venu pour l’euro : certains guides nous ont avoué ne pas avoir parlé anglais depuis plus d’un an. C’est près de Peterhof, un peu à l’écart de la ville, qu’était organisé le point d’orgue culturel de la semaine, le dîner de gala. Ce dîner correspondait parfaitement à l’idée qu’on pouvait s’en faire, des grandes tenues, un décor rappelant les palais impériaux, un repas de qualité, quelques discours convenus et une succession de chanteurs et d’artistes renommés (enfin selon les commentateurs : je ne suis pas assez calé en variété russe pour en juger).

 

Sur le contenu, le premier jour était surtout consacré aux grandx discours, des directeurs d’agences spatiaux et ministres. Pas de grande annonce, mais des confirmations de rumeurs qui circulent et un certain nombre de messages d’ordre plus ou moins politique. On a aussi eu le droit à une suite de discours de 16 astronautes/cosmonautes (Alexandrov, Chretien, Almansoori, Prunariu, Baker, Merbold, etc… ) sur l’importance du vol de Gagarine avec une mention spécial pour Payette, Clervoy et Ewald qui ont réussi à se détacher avec humour du discours particulièrement classique des autres. Tant qu’à parler des cosmonautes, il convient de parler de Sergey Krikalev, véritable légende du spatial (803 jours en orbite), originaire de saint Pétersbourg et qui faisait partie du comité d’organisation. Malgré une actualité difficile (il a quitté son poste de directeur des vols habités russes 3 jours avant la conférence), sa taille, son charisme et les deux étoiles (héro de l’union soviétique et héro de la fédération de Russie) qu’il arborait en faisait le « totem » de la conférence. La suite de la conférence était composée de « plénières » et de « session technique parallèles ». Les plénières étaient des discours d’acteurs de haut niveau généralement sur des projets en cours suivis de question. Mais la plupart du temps était consacré aux sessions techniques parallèles. Pendant c’est créneaux, 4 ou 5 salles accueillaient une suite de présentations de 10 minutes sur un domaine particulier comme l’exploration de la Lune, Mars, les stations spatiales ou les technologies clef. Chacun présentait le projet qu’il avait soumis à la sélection en janvier, suivi d’une série de questions de la part de l’auditoire. Les personnes n’ayant pas pu se rendre en Russie ont pu envoyer une présentation vidéo pré-enregistré, au détriment des interactions.

Dans mon cas, la présentation était, suite à des désistements, la premier de la session « exploration des autres destinations » (entendre, non consacré à l’orbite terrestre, la Lune, Mars et les astéroïdes proches qui avaient leur session dédier). Les projets consacrés à Vénus étaient bien représentés mais juxtaposés à des projet pour Titan, Ganymède, Sedna, Triton voire pour le voyage interplanétaire. L’avantage d’être sur des destinations « atypiques » était de pouvoir présenter des approches innovantes, là où les projets lunaires ou martiens se heurtent souvent à des précédents. Le fait de passer premier de la session m’a permis d’éviter de stresser pendant les présentation des autres... ce qui ne m’a pas empêché d’oublier totalement les quelques mots en russe que je voulais dire en introduction. Malgré ce stress, la présentation c’est bien passée suivie de peu de questions. Cela a permis de lancer les discussions pendant la pause repas, de discuter de la suite et d’autres projets qui pourraient en déboucher.

Les discussions ont un peu porté sur l’aménagement d’un habitat vénusien. Beaucoup de personnes réfléchissent à des habitats lunaires ou martiens, mais un habitat vénusien aurait la particularité d’avoir des parois transparentes (cassant l’impression d’enfermement), tout en étant en flottaison. Cela se rapproche de certains projets de retour des dirigeables d’exploration sur Terre. Cependant, plus que l’exploration habité, le projet a réveillé l’intérêt pour la zone des nuages de Vénus. Les discussions ont principalement tourné autour des similarités avec une mission martienne notamment avec l’utilisation de CO2 atmosphérique. Une idée consiste à offrir au laboratoire une plateforme de taille minimale pour placer leur expérience dans l’atmosphère de Vénus et pour cela se placer en co-passager d’une des missions à destination de Vénus, qui se sont multipliées ces derniers temps. Imaginez une sonde américaine ou européenne se mettre en orbite autour de Vénus et larguer une petite flottille de cubesats 3 unités. La première unité s’ouvre pour déployer un bouclier thermique nécessaire a la rentrée. Puis la deuxième laisse échapper un ballon qui se gonfle d’hydrogène pour stabiliser dans les nuages la troisième qui contient les instruments. C’est relativement simple comme objectif, plutôt facile à tester (pas plus de 200°c et 3bar), mais ça demande pas mal d’imagination pour créer un système de gonflage a la fois fiable, compact, léger mais qui ne mette pas en danger la mission principale.

Voilà ce qui ressort de quelques unes des discussions ayant eu lieux autour d’un café ou dans un coin de couloir. Car oui, si je devais résumer mon glex aujourd'hui avec vous, je dirais que ce sont d'abord des rencontres. Le spatial est une petite famille et des conférences comme le glex on pour but de renforcer ces liens. Pour cela, Il y avais de nombreuses pauses café et repas qui se prenaient sous la forme de buffet dans la galerie qui jouxte la duma. Les dizaines de table hautes, sans chaises, favorisaient le passage d’une table a l’autre, d’un groupe a l’autre, d’une discussion à l’autre. Même le diner de gala se fait sans plan de table, donc le placement est très aléatoire et au « filing ». De ce fait, même en ne connaissant presque personne deux jours plus tôt, on peut se retrouve à la table d’un spationaute (dans mon cas Clervoy, très bonne pioche). Ensuite de contact en contact, on discute plus ou moins longtemps avec beaucoup de monde et vu que chacun vient avec son projet et ces idées, cela crée une base d’échange passionnant entre passionné, ce qui fait émerger d’autre projet et d’autres idée.

Tout cela, les présentations, les discussions, les cérémonies, les visites, les soirées sont très prenantes sur une période de seulement quelque jours. Les nuits étaient courtes (d’autant qu’autant au nord, les nuits à saint Pétersbourg en juin sont un concept flou) et on a malgré tout l’impression de toujours rater quelque chose, louper une session technique intéressante ou écourter une discussion tout simplement car on est pris sur une autre session ou une autre discussion. Heureusement, tous les projets on une présentation vidéo pré-enregistre qu’on peut regarder plus tard. Donc entre ça, les études à lire, les personnes à recontacter, les idées à étudier, cette conférence qui passait pour l’aboutissement de plusieurs mois de travail ne devient en fait qu’une étape (exceptionnel) dans cette passion pour le spatial qui nous dévore tous.

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